Afin de souligner comme il se doit la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF) a invité l’autrice dramatique, romancière, scénariste, traductrice, conteuse et parolière, Marie-Thé Morin à écrire le mot franco-ontarien 2023.

Pour la petite histoire, sachez que c’est en 1995 que l’UNESCO a proclamé le 23 avril, Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Cette journée est actuellement célébrée dans une centaine de pays afin de promouvoir la lecture, l’industrie éditoriale et la protection de la propriété intellectuelle à travers le droit d’auteur.

 

Mot franco-ontarien de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur 2023

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Nous nous retrouvons souvent en solitaire devant nos écrans, nos dictaphones, nos carnets de notes pour écrire nos histoires.

Nous écrivons des romans, des récits, de la poésie, de la littérature jeunesse, des chansons, des pièces de théâtre, des contes et plein d’autres choses. Se laisser imprégner par une histoire, c’est accepter d’y plonger, c’est entrer dans une réalité qui n’est pas la nôtre.

Nous célébrons aujourd’hui la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Pour moi, l’écriture est un état où l’on abolit les frontières entre toutes les dimensions et entre toutes les différences.

C’est, je crois, le but de l’écriture, celui que l’on devrait tenter d’atteindre chaque fois qu’on prend la plume. Malgré les entraves que l’on y sème — parce que les gens heureux n’ont pas d’histoire —, l’écriture est un terrain de jeu ludique où l’on s’amuse à trouver des façons de nous rassembler et de nous unir.

C’est aussi un refuge, un endroit où grandissent nos idées et, par ricochet, notre humanité.

Bien que j’écrive aussi romans, scénarios, contes et chansons, on m’a demandé de m’adresser à vous aujourd’hui en tant qu’autrice dramatique, et par extension, en tant que comédienne. Dans ce rôle de femme de théâtre, j’aime me glisser dans la peau d’une autre personne. Me mettre à sa place, comprendre ses défis, porter ses chaussures, cheminer avec elle et en elle.

Cheminer avec lui et en lui. Le personnage.

Dans les pièces, que leurs actions soient silencieuses ou verbomotrices, les personnages débattent sans cesse et tentent de dénouer des impasses. Ils en ressortent toujours transformés. En bien ou en mal ? Peu importe. L’effet d’un changement sur un personnage enclenche toujours une réflexion chez la personne qui l’observe.

J’ai le privilège d’écrire ce mot alors que nous commençons à sortir d’un chapitre sombre de notre histoire. Tout n’est pas parfait en ce moment dans nos sociétés, bien au contraire. Il y a de la discorde, beaucoup de rumeur et de bruit dans l’air. Il y a ce qui nous unit et ce qui nous divise. Mais si c’était pour cela justement que nous continuons à créer et à écrire ?

Dans cette quête de créer un monde qui s’approcherait peut-être d’un idéal, je retiens qu’il y a un nombre limité de situations dramatiques sur lesquelles nous pouvons écrire. Mais les possibilités que nous offrent les personnages sont illimitées. Dans nos histoires, et grâce à elles, nos personnages se transforment. Et ce faisant, ils transforment aussi le monde.

En cette Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, c’est la grâce que je nous souhaite : de cheminer avec nos personnages, de les laisser vivre l’existence que nous leur avons donnée, puis de les laisser se transformer en nous surprenant, comme des enfants à qui l’on aurait accordé la vie et qui finissent par nous échapper pour suivre une trajectoire que nous n’avions pas prévue.

On aura beau dire le contraire, le monde aura toujours besoin d’histoires, de protagonistes qui prennent des décisions ou qui font des choix que l’on n’aurait pas osés soi-même dans la vie réelle. Quand nous écrivons, nous ouvrons donc la voie à tous les possibles.

Au théâtre, nous privilégions le « nous ». Au départ, il y a un texte. Puis une mise en scène. Ensuite, c’est le jeu des interprètes et le travail de conception qui s’ajoutent. Tout cela mis ensemble mène à une œuvre collective. Alors, nous assistons à la mise en place d’une petite société bourdonnante qui passe à l’action. Chaque partie, même la plus petite, est essentielle au tout. C’est ce qui fait que j’aime en faire partie, c’est ce qui fait que j’aime en écrire. C’est une dynamique que j’aime par ailleurs reproduire chaque fois que j’en ai l’occasion, dans d’autres sphères de ma vie.

Ainsi donc, devant nos écrans, nos dictaphones et nos carnets de notes, transformons notre monde. Laissons place à nos personnages. Profitons de cette journée qui nous appartient. Et qui célèbre autant nos histoires que nos droits.

Je nous souhaite une bonne Journée mondiale du livre et du droit d’auteur !

 

Biographie de Marie-Thé Morin :

Cofondatrice de Vox Théâtre à Ottawa (1979), Marie-Thé Morin exerce une pratique diversifiée d’autrice dramatique, romancière, traductrice, scénariste, conteuse et parolière. Lauréate du prix Dramaturgie en chantier en 2016 pour sa pièce Les couleurs de Floyd, elle a vu sa première minisérie, Eaux turbulentes, être diffusée sur Ici Radio-Canada en 2019-2020. Son roman Errances, premier volume d’une trilogie publié par les Éditions Prise de parole en avril 2021, sera suivi des tomes 2 et 3, Départs et Retours, en cours d’écriture. Elle a traduit Another Home Invasion (Intrusions en français) de Joan MacLeod, production du Théâtre de la Vieille 17 et du Théâtre populaire d’Acadie, ainsi que Ladies and Gentleman, Boys and Girls (Mesdames et Messieurs, Garçons et filles), production de Vox Théâtre. Elle a reçu plusieurs distinctions dans sa carrière et a été finaliste, en 2022, au Prix littéraire Trillium (pour Errances) et aux Prix Johanna-Metcalfe des Arts de la scène. Également marionnettiste, comédienne et chanteuse, elle met au service des autres le savoir qu’elle a acquis en plus de 40 ans de pratique en donnant des stages et ateliers dans la communauté et les écoles. Elle accompagne aussi plusieurs artistes et auteurs dans leur processus d’écriture et de création.